Cultures en Béarn : le pluriel s'imposait. Non pas que chaque groupe social ou professionnel ait été enfermé dans sa propre culture, sanctuarisée par la fortune ou la géographie. Bien au contraire, s'il existe naturellement entre le Moyen Age et l'ère industrielle des techniques culturelles distinctes, celles des hommes de loi, des pasteurs, des médecins, des prêtres, des viticulteurs, tous se retrouvent dans une même capacité d'osmose : échanges culturels entre Béarnais, échanges des Béarnais avec la culture universelle. Aucun obstacle, économique, linguistique ou politique, aucun déterminisme n'empêchèrent une pluralité culturelle vigoureuse et riche. Les paysans s'enthousiasment pour le théâtre de Corneille ou de Voltaire ; les notables usent volontiers de la chanson et de la satire carnavalesque.
Si les sciences exactes furent peu à l'honneur - mais le Béarn n'est pas une exception - tous les genres eurent droit de cité : de la poésie savante de Cour à la satire improvisée des villageois, des controverses théologiques à la découverte des montagnes et de la nature... Loin de se combattre, le français et le béarnais se mêlent et s'enrichissent mutuellement. Très élevée dès le milieu du XVIIIe siècle, l'alphabétisation assura pérennité et vitalité à cette culture plurielle. P. de Marca ne se trompait pas, lorsqu'il déclarait des Béarnais : «Il faut considérer que ces Païsans ne sont pas des esprits ou faibles ou brutaux, de la trempe de ceux que l'on voit dans les autres provinces...»