Étude de l'œuvre d'un maître qui a influencé des générations d'artistes.
Hokusai fut d’abord un homme d’école, le camarade et l’émule de ces délicats. Puis, son indépendance géniale lui fit abandonner les systèmes et les disciplines, et tenter toutes les expériences qui sollicitèrent sa libre humeur. Il voulut ne se refuser à rien. Toutes choses prirent place dans l’immensité de son art, égale à l’immensité de l’univers. Il fut enivré par le spectacle de la vie et par la multiplicité des formes. Même dans les périodes de naturalisme intense, l’art japonais n’avait rien connu de pareil. Cette fois, l’expérience esthétique plonge au cœur même de la vie, sans réticence et sans choix. Les hommes et les bêtes, les humbles témoins de l’existence quotidienne, la légende et l’histoire, les solennités mondaines et les métiers, tous les paysages, la mer, la montagne, la forêt, l’orage, les pluies tièdes des printemps solitaires, le vent allègre des coins de rue, la bise sur la campagne rase – tout cela, et le monde des songes, et le monde des monstres –, tel est le domaine d’Hokusai, si l’on peut le limiter à des mots.
(Re)découvrez le texte de Focillon sur Hokusai de 1914 en version intégrale, enrichi d’un nombre conséquent des estampes qui ont révolutionné le monde de l’art tout entier !
EXTRAIT
Cette œuvre immense et vivante, l’expression la plus complète d’une des deux tendances du génie japonais, a passionné l’Europe. Puis elle a suscité des polémiques. Aujourd’hui encore, elle pose d’importantes questions. D’abord, en dehors des érudits du japonisme, les plus ardents propagateurs de la gloire d’Hokusai en Occident furent des artistes qui, ayant trouvé en lui un modèle et un exemple, le chérirent, non seulement pour le charme rare et supérieur de sa maîtrise, mais pour l’autorité qu’il conférait à leur propre esthétique. Dès avant la révolution de 1868, qui répandit sur l’Europe les trésors de l’Empire, Whistler et son groupe purent le connaître et l’aimer. Octave Mirbeau raconte comment Claude Monet le découvrit en Hollande, dans la boutique d’un épicier qui enveloppait ses paquets dans des estampes d’Hokusai, d’Utamaro, de Kōrin, et qui fut heureux de s’en débarrasser, car il trouvait ce papier peu solide.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Henri Focillon (1881-1943), prestigieux historien de l’art, directeur du musée des beaux-arts de Lyon, professeur au Collège de France et à l’université de Yale aux États-Unis, représentant de la France à la commission des Lettres et des Arts de la Société des Nations aux côtés de Paul Valéry, engagé auprès du général de Gaulle dès juin 1940 a, pour le moins, une certaine clairvoyance. Au milieu de ses activités de poète, graveur et pédagogue, ce spécialiste de l’art du Moyen-Âge et du cinéma, touche-à-tout de génie, est un théoricien de grande envergure et un commentateur particulièrement avisé de tous les arts de son temps. C’est dire que, quand il rencontre celui du plus grand des Japonais, qui a tout inventé (!), le propos est élogieux. Le texte de Focillon sur Hokusai, paru en 1914, est publié ici en version intégrale, enrichi d’un nombre conséquent des estampes qui allait révolutionner le monde de l’art tout entier.