Bibliothèque constitutionnelle et de science politique
Tome 157
La construction constitutionnelle du politique en cours en Afrique subsaharienne francophone est le résultat d'une volonté historique : la colonisation européenne. Après la décolonisation, l'injonction du discours de la mission civilisatrice est formellement suivie puisque les Constitutions africaines francophones, qui imitent la Constitution française, consacrent le modèle français de l'État-nation démocratique. Mais l'institutionnalisation de l'État-nation démocratique est globalement infructueuse. Le mimétisme constitutionnel va généralement engendrer des conflits intercommunautaires, soit pour le contrôle du pouvoir au sein de l'État-nation (par la lutte armée ou par la loi de la majorité démocratique), soit pour se séparer de l'État-nation. Les amendements jusque-là apportés n'ont pas réussi à résoudre la crise du politique parce qu'ils s'inscrivent toujours sous le paradigme constitutionnel du modèle unitaire de l'État-nation démocratique (nation monocommunautaire et État-unitaire), ignorant ainsi un élément déterminant du fait politique subsaharien à savoir l'identité collective précoloniale ou ethnique.
Dès lors, comme cela s'est fait dans d'autres pays (Belgique, Canada, Espagne, Éthiopie, etc.), la crise du politique dans les pays subsahariens pourrait trouver une voie de résolution dans l'adoption d'un modèle constitutionnel pluralitaire, c'est-à-dire la reconnaissance de la pluralité communautaire constitutive de la nation (nation pluricommunautaire) à laquelle correspondrait une forme pluralitaire du pouvoir politique (État fédéral, État régional ou Fédération démocratique).