Il y a quelques années, je m'étais engagé
dans plusieurs mobilisations anarchistes
en Amérique du Nord et en France,
principalement dans le cadre de l'agitation
altermondialiste. Je menais en simultané des
recherches universitaires sur le mouvement
anarchiste. Je traînais partout mon appareil
enregistreur et mon calepin de notes, pour
mener des entrevues d'activistes. Je leur posais
diverses questions au sujet de leur forme
d'action, de leur manière de s'organiser, des
processus de prise de décision au sein de leurs
groupes et de leurs motivations politiques.
Ces questions appelaient des réponses plutôt
analytiques, «rationnelles», car je cherchais à
savoir comment s'articulaient dans la pensée,
l'organisation et l'action des anarchistes
d'aujourd'hui, les beaux principes d'égalité, de
liberté et de solidarité.
Un jour, j'ai eu l'idée d'ajouter en fin
d'entrevue cette dernière question :
«Avez-vous déjà pleuré pour des raisons
politiques ?»