Les contes littéraires sont un medium idéal de transfert des représentations sociales au cours du temps. C'est pourquoi il convient de les envisager au fil de leurs transformations, induites par des mutations sociohistoriques. Qu'ils s'adressent aux enfants, aux adultes, ou qu'ils mettent en oeuvre une double adresse, ils relatent l'histoire de personnages sans cesse confrontés au regard de l'autre et aux prises avec les mécanismes sociaux. La légitimité d'une telle approche est proportionnelle à leur persistance à travers le temps et à leurs pouvoirs de métamorphose.
Le conte des frères Grimm, Blanche-Neige, fait partie de ces textes aux relectures pléthoriques, dont l'omniprésence ne saurait être dissociée d'un éclairage socioculturel déterminant. Or le personnage de Blanche-Neige, image de relative passivité, prend désormais la parole et gagne en visibilité sur l'échiquier social. Les canevas amoureux, familiaux et générationnels que le conte semblait avoir fixés, s'en trouvent renversés, ce qui est significatif des mutations du statut des femmes et de leur prise en compte dans nos sociétés contemporaines. Confrontée à l'infanticide comme au féminicide, celle qui est devenue l'héroïne de nombreuses oeuvres littéraires, iconographiques ou cinématographiques se trouve désormais au coeur de la réflexion sur la place du féminin.