Le pouvoir absolu
Naissance de l'imaginaire politique de la royauté
Le pouvoir absolu épouse la longue histoire de la monarchie. On l'imagine souvent inscrit dans une logique immuable, jusqu'au procès d'indignité que vont lui intenter les Lumières. C'est cette double image de la continuité du système absolu et de son caractère fatalement subversif de toute justice que cet ouvrage met à mal. Absolu, écrit Arlette Jouanna, signifie la possibilité légale de transgresser les lois au nom d'une légitimité supérieure ; et cette idée du pouvoir, loin d'être immuable, n'a cessé de s'infléchir à l'épreuve des bouleversements qui agitent l'histoire politique de la royauté.
Avant les guerres de Religion, on l'ignore trop, le monarque ne pouvait déroger aux lois qu'au titre de l'exception et de l'urgence. Et, même délié des lois, il restait lié par la Raison, cet ordre juste que Dieu faisait régner dans le monde. Mais la déchirure religieuse, en désagrégeant la cohésion sacrale du corps politique, a fait perdre le sens de la correspondance - jusque-là si évidente - entre la cité céleste et la cité terrestre : seul le roi en personne pouvait désormais incarner l'unité des communautés désunies.
L'originalité radicale de la voie française aura été cette construction, à la fois intellectuelle et institutionnelle, d'un espace politique extérieur et supérieur aux passions humaines. Telle est la nouvelle figure du prince absolu, projeté loin au-dessus des sujets dans une proximité mystérieuse et solitaire avec Dieu. C'est cette transcendance qui confère à sa volonté une autorité sans précédent, quasi sacrée, seule capable de tenir ensemble le royaume.