L'esthétique pragmatiste se distingue
de la tradition philosophique en ce qu'elle
ne cherche pas à séparer l'art de ce qui
n'en est pas. Elle conçoit nos expériences esthétiques
dans la continuité de celles qu'occasionnent nos
diverses pratiques de vie, publiques comme privées.
Comment penser cette continuité ? C'est l'enjeu
principal de ce livre, qui examine la question
sous deux aspects. Les premiers chapitres retissent
les liens qui nous permettent de comprendre
comment nos concepts esthétiques les plus
spécifiques, ceux que nous utilisons pour juger
et apprécier l'art le plus consacré (aura, authenticité),
sont solidaires d'expériences que peuvent nous faire vivre
aussi, à leur manière, les arts dits populaires
(techno, comédies musicales country, hip-hop),
généralement négligés par la philosophie.
La seconde partie explique comment nos capacités
esthétiques, éthiques et critiques sont profondément
déterminées par notre expérience corporelle
- autofaçonnement quotidien, pratiques sportives,
coutumes, et tout ce que l'on peut verser du côté
d'un « souci de soi » ou style somatique : c'est
ce que Richard Shusterman, cherchant à développer
une nouvelle voie pragmatiste, nomme somaesthétique.