« Érigé en principe, le suffrage est à l'ordre du jour. Désormais comme l'élixir du charlatan, il a réponse à tout. C'est la panacée universelle. (...)
S'élève-t-il une difficulté dans le monde judiciaire, politique, économique, religieux ? vite le Droit de suffrage ! On vote à l'académie, au parquet, à la Chambre, dans les assemblées populaires, aux conciles. Ou dans l'urne, ou par gestes. On opine du bras, de la main, du bulletin, de la voix, du croupion, de la tête ; on vote même en s'abstenant.
Le suffrage ne se contente plus d'être un principe, il les chasse tous, ou du moins, il les devient lui-même. Il est le principe de la vérité, le principe de la foi, le principe du droit, le principe de la justice. Mieux que cela, il est le principe de la souveraineté du peuple. Il remplace l'antique absolu, vox populi, vox Dei ! Inclinons-nous, voici le Dieu moderne.
Je le veux bien. Mais, comme on a jugé les autres dieux, je demande qu'à son tour on le juge. »
Paru pour la première fois en 1874, Le Suffrage universel et le problème de la souveraineté du peuple de Paul Brousse opère une critique radicale de la démocratie représentative et oppose à la souveraineté du bulletin de vote la seule souveraineté qui vaille : celle des actes.