En ce mois de novembre 1216, une galée appareille en pleine nuit
du port catalan de Salou vers les rives du comté de Provence.
À son bord, un jeune adolescent, escorté par des chevaliers
provençaux venus l'arracher à son exil aragonais.
Ainsi commence l'histoire de Raymond Bérenger V, héritier d'une
Provence déchirée par des rivalités entre factions nobles et les villes
comme Marseille, Avignon, Arles, Tarascon, Nice ou Grasse.
Beaucoup voient en ce jeune prince le seul dépositaire d'un pouvoir
légitime. Sa mère et tutrice, la comtesse Gersende de
Forcalquier, ne peut plus désormais espérer gouverner sans lui.
Rien ne laisse alors présager que ce jeune homme sera l'artisan
d'un rétablissement de l'État comtal. Pourtant, depuis sa capitale
aixoise, il fait de sa principauté l'un des laboratoires de l'État
moderne. Raymond Bérenger rompt avec le passé catalan de la
Provence, mais aussi avec l'empire germanique de Frédéric II. Les
temps lui sont favorables : de Nice à Marseille, le commerce des
ports provençaux est prospère. Cette richesse bénéficie aux églises,
châteaux et villes qui arborent de neuves parures. Le comte fonde
Martigues et Barcelonnette. Pour la première fois de son histoire,
la Provence paraît une principauté cohérente, gouvernée par un
prince soucieux de ses prérogatives.
La mort prématurée de Raymond Bérenger en 1245, sans héritier,
laisse la Provence aux mains de son gendre, frère du roi de France.
Une page achève de se tourner.