L'ombre des anges
Il faut être poète pour voir passer L'ombre des anges, sentir qu'un peu d'ailleurs vient toujours nous hanter. Didier Mény écrit au seuil du monde, dans l'entre-deux du présent et du souvenir, pour dire la présence de l'absence : le dire tout haut en parlant tout bas, pour ne pas déranger la beauté qui couve partout. Mais parler tout seul, dans l'écho d'un vide : c'est que l'amour manque toujours, et face au ciel qui se tait, le dernier mot va au silence.
C'est une poésie saisissante, âpre et délicate, brève et ciselée comme des haïkus libres ; une rêverie endiamantée qui s'accroche au vent, au sable, à l'écume et à la blondeur étourdissante d'un soleil d'enfant. Telle une bête inquiète, le poète traque les signes et se rend attentif aux miniatures que cisèle la nature pour qui sait la craindre et la peindre ; même la nuit. La peine ici se traîne dans l'éblouissement du monde, et promène au fil des saisons une solitude habitée : on serait moins seul sans mémoire...
N'empêche : il faudra bien rejouer le jeu de vivre. Il peut suffire alors du rire bleu d'un crocus. Qu'un oiseau sautille, que craque une brindille sous le pas, et la tristesse s'ébroue dans le chatoiement des moments rares. L'émerveillement fait taire un temps les appels sans réponse ; un sourire affleure dans le désespoir même ; ce qui s'est perdu dans la mort se donne encore dans l'amour. Éperdument, puisque rien ne délivrera jamais de l'absence.
Et l'âme ridée relance inlassablement ses mots sur les choses ; pour attraper les anges...