Servir sans guérir
Médecine palliative en équipe mobile
Depuis les années 1980, les conditions de la fin de vie sont au coeur des débats, notamment entre partisans des soins palliatifs et ceux de l'euthanasie : ont été dénoncés aussi bien les tendances à l'acharnement thérapeutique que l'abandon des mourants, portant atteinte à la dignité humaine.
Sur le plan institutionnel, deux structures spécialisées ont vu le jour : les unités fixes, services classiques d'hospitalisation, et les équipes mobiles, privilégiées en France et mises en place par les autorités afin de diffuser la culture palliative.
Le livre d'Émilie Legrand propose une analyse sociologique de ces équipes mobiles en apportant, par des enquêtes de terrain, des réponses à des questions majeures : quelle forme revêt la médecine palliative ainsi pratiquée ? Quelles sont les logiques professionnelles à l'oeuvre ? Quels « jeux d'alliance » les personnels de l'équipe nouent-ils avec les unités qui les sollicitent ? Quelles stratégies sont nécessaires pour s'adapter et acquérir une place pérenne dans une institution dominée par l'impératif de guérison ?
Tandis que le modèle des soins palliatifs visait à redonner une place aux mourants, ses caractéristiques ont été redessinées en équipe mobile. Par souci de légitimation, son intégration conduit à des pratiques nouvelles, centrées sur l'aspect technique du contrôle de la douleur, et à l'adoption d'une nouvelle éthique, respectant davantage les réalités du terrain. S'impose alors un modèle souple, qui à la fois dénature et reconfigure celui d'origine, afin que la médecine palliative soit reconnue par les services référents et l'institution hospitalière. Cette dernière persiste néanmoins à escamoter la mort.