Photo : BOURDIN (c) Meülania Avanzato
Âge : 69 ans
Signe / Traits de caractère particulier : L’indépendance. Enfant, j’étais déjà très éprise de liberté, je détestais qu’on me dise ce que je devais faire. J’ai voulu voler de mes propres ailes rapidement. Je me suis mariée deux fois et j’ai également divorcé deux fois car je ne me sentais pas libre de faire ce que je voulais. Je suis quelqu’un d’assez solitaire et d’indépendant.
Auteure française à succès mais aussi mère et grand-mère aimante, profondément attachée à sa maison située en Normandie et à sa liberté, Françoise Bourdin se confie sur ses romans passés et futurs,
son parcours de vie, mais aussi ce qui l’anime au quotidien.
Vos livres ont énormément de succès et à chaque nouveau roman, vous vous situez dans le top des ventes des magasins Club. Comment vit-on ce succès au quotidien ?
C’est un succès qui est venu petit à petit, qui s’est confi rmé d’année en année sans me monter à la tête. J’ai construit ma carrière sans changer ma façon d’écrire mais ça a forcément changé ma façon de vivre puisque ça m’a apporté un peu plus de confort matériel. Pour un auteur, c’est une liberté extraordinaire de pouvoir vivre de sa plume, en particulier pour une femme. En écrivant et en travaillant à la maison, je pouvais vraiment être là pour mes fi lles au quotidien. Être écrivain est un très beau métier et pour chaque roman, j’essaye de penser avant tout à ce qui me plait et à l’histoire que j’ai envie de raconter ou que j’aimerais lire en tant que lectrice.
Vous avez commencé à écrire à l’âge de 19 ans. Qu’est-ce qui vous a poussée à prendre la plume si jeune ?
Écrire a toujours été une vocation, ma manière de m’exprimer. J’appartiens à une famille de chanteurs lyriques d’opéra. Ils ont fait des carrières merveilleuses mais il n’était pas question pour moi de faire le même métier. J’ai publié deux livres quandj’étais très jeune et puis, durant les années suivantes, j’ai fait plein d’autres choses comme me marier et avoir des enfants. Je suis restée une longue période sans publier de romans mais pas sans écrire. Au fil des ans, les manuscrits se sont empilés dans les tiroirs. Après de longues années, quand j’ai souhaité republier, je n’étais pas attendue, mon retour a donc été difficile. Je n’imaginais pas à l’époque qu’en envoyant mon livre chez des éditeurs, c’était comme envoyer une bouteille à la mer. Finalement, j’ai eu beaucoup de chance car la première réponse positive est venue des éditions Denoël et le lendemain matin, j’ai eu la même réponse des éditions de La Table Ronde et ce, pour le même manuscrit ! J’ai donc proposé à cette maison d’édition un autre roman que j’avais dans mes tiroirs et ils l’ont pris. À cette époque, quelqu’un m’a dit que pouvoir republier serait comme de gagner au Loto. Après ça, j’ai pu dire que j’avais gagné deux fois au Loto en vingtquatre heures (rires).
"J’écris de la fiction mais je pense que chez tous les
auteurs, il y a un petit bout de vous-même et des autres."
Aujourd’hui, vous êtes l’auteure de nombreux romans. Est-ce toujours aussi facile de trouver le sujet d’un nouveau livre ?
Je suis un peu comme une éponge et j’absorbe les idées à droite et à gauche en écoutant les conversations dans les bistrots, dans les files d’attente au supermarché... J’écoute également ce que disent mes filles, qui sont elles-mêmes mères aujourd’hui. Je suis très réceptive au monde qui m’entoure. L’inspiration peut aussi venir quand je lis un magazine. Un article peut d’un coup susciter une envie, une idée. Je n’ai donc pas le vertige de la page blanche. J’écris de la fiction mais je pense que chez tous les auteurs, il y a un petit bout de vous-même et des autres. Dans mes livres, il y a une volonté d’être dans la réalité des gens, dans la réalité de la vie, et à travers ceux-ci, il y a un petit message féministe, pour dire aux femmes qu’elles peuvent le faire, qu’elles peuvent recommencer et prendre leur vie en main à tout moment.
Vos romans abordent d’ailleurs toujours des préoccupations très contemporaines, des questions auxquelles les lecteurs peuvent s’identifier…
Dans notre époque actuelle de familles recomposées, de haut taux de divorces, beaucoup de gens se retrouvent confrontés à des problèmes de confiance, d’amour... J’aime bien parler de ces thématiques actuelles et ce, non pas pour être dans l’actualité à tout prix mais parce que ça m’intéresse et que les gens en parlent autour de moi.
Comme dans votre dernier roman, Le meilleur est à venir, qui aborde la question de l’adultère mais aussi de l’amour et du pardon…
Tout à fait. Après la lecture d’un livre écrit par un psychanalyste autour de l’amour et de l’adultère, je trouvais ça intéressant d’écrire à ce sujet. Plus important encore, je voulais que ce soit elle, Margaux, mon personnage principal, qui ait trompé son mari et non l’inverse, ce qui aurait été peutêtre plus convenu. Les femmes ont tendance à mettre du sentiment dans l’acte de tromperie et auront plus rarement une petite liaison de 5 à 7 avec la secrétaire, comme les hommes pourraient en avoir (rires). Margaux s’aperçoit d’ailleurs avec horreur qu’on peut aimer deux hommes à la fois. Or, le sentiment, c’est quelque chose de plus grave, la faille est plus profonde. Ici, je souhaitais aborder le cheminement suite à l’adultère : comment s’en sortir et un couple peut-il y arriver ? Je me suis laissé emporter par mes personnages. Pour s’en sortir suite à une tromperie, il faut parfois prendre un nouveau départ mais il faut en parler, le non-dit est à proscrire. La question du pardon et de la culpabilité se pose aussi. Tous ces sentiments m’intéressaient.
En septembre, votre roman Rendez-vous à Kerloc’h, paru une première fois en 2004, sera réédité. Que cela représente-t-il pour vous ?
J’aime bien les rééditions. D’abord, je m’oblige à relire le livre avant qu’il soit réédité et je retrouve toujours avec plaisir mes personnages d’il y a quelques années. En plus, la Bretagne est une région que j’adore. La chose la plus importante à mes yeux lors d’une réédition est de ne pas changer les ingrédients de mon roman. Par exemple, si j’ai écrit avant 2002 et que je parle de francs et non d’euros, je ne modifie rien lors de la réédition. Changer pour actualiser, c’est prendre le risque de rendre l’histoire bancale. Or, ce qui est intéressant dans un livre avant tout, c’est l’histoire, le vécu des personnages, leur psychologie.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Pour qu’un roman sorte au mois de mai, il faut que je l’aie terminé début février, ce qui signifie que je dois le commencer durant l’été. J’ai donc attaqué mon prochain roman cet été et je peux déjà vous dire que l’histoire se déroule en Corse dans un hôtel. J’essaye d’écrire un roman par an, c’est une sorte de rendez-vous avec mes lecteurs qui sont d’ailleurs très fidèles. Je sais qu’ils attendent mon livre au printemps afin de se le procurer pour la fête des mères ou l’été. Pour ce qui est de l’avenir, tant que j’aurai envie d’écrire, j’écrirai. À la fin de chaque livre, une fois le manuscrit corrigé et parti à l’impression, je pense toujours prendre quelques jours de vacances mais je n’y arrive pas. Trois jours après, je suis déjà de retour dans mon bureau à tourner en rond (rires). À côté de l’écriture, je continue et continuerai à m’occuper de ma maison en Normandie, que j’ai achetée avec mes droits d’auteur il y a vingt ans. Elle me prend beaucoup de temps mais je l’adore, elle est très fédératrice et me permet de recevoir mes filles, mes gendres, mes petits-enfants et mes chiens. L’essentiel de ma vie, c’est ça : mon écriture, ma famille, ma maison. J’aime écrire et raconter des histoires, donc je ne me vois pas arrêter.
En ce moment, je lis un livre formidable qui s’appelle Frangines d’Adèle Bréau (en livre de poche). C’est un livre à la fois gai et triste qui emmène le lecteur dans l’univers d’une sororité car elles sont trois soeurs. C’est un monde qui me parle car j’ai moi-même une soeur et deux filles. C’est un très chouette livre que je recommande.
Le Lion de Joseph Kessel. Il répond à mon amour pour les animaux sauvages, pour les lions, les décors magnifiques du Kenya… C’est un livre qui m’a profondément marquée et touchée.
J’aime tellement Baudelaire que je l’offrirais bien, mais pour proposer un livre plus abordable et universel, je choisirais Malevil de Robert Merle.