Âge : 42 ans
Signe particulier : Je suis quelqu’un d’assez spontané. Je me suis aussi toujours sentie différente des autres, pour le pire et pour le meilleur (rires).
Traits de caractère : Je suis assez énergique, décidée… parfois impatiente pour citer un aspect ‘négatif’. J’ai une personnalité entière, je dis toujours ce que je pense, directement, ça passe ou ça casse !
Après plusieurs jours de grisaille, un rayon de soleil apporte un peu de lumière et de chaleur. C’est à ce moment précis que commence l’interview avec Alia Cardyn. C’était un signe, étant donné que l’ex-avocate devenue à la fois coach existentielle et romancière à succès (Une vie à t’attendre a reçu le prix des lecteurs Club 2016, un véritable tremplin selon Alia) pratique avec talent l’équilibre parfait entre optimisme et réalités parfois difficiles de la vie. Et il faut l’avouer, ces nuances transparaissent dans son nouveau roman, L’envol.
L’univers particulier de L’envol, situé dans un écrin hors du temps - la ville de Black - évoque une sorte de purgatoire ou plutôt un songe éveillé.
J’avais envie de créer une ville, de l’inventer, j’adore ça. Ensuite je tenais à traiter mon récit à la manière d’un conte, sans me contraindre à absolument le faire. Black n’est pas un purgatoire, c’est plutôt une sorte ‘d’ailleurs’, différent. Comme je l’ai dit plus tôt, je me sens différente, en décalage, Black et ses habitants expriment d’une certaine manière ce sentiment.
L’abandon, la disparition sont des éléments qui parcourent vos romans, mais sans amener un aspect destructeur, au contraire, ils approchent plutôt la transformation vers un mieux.
En fait, je suis fort dans la résilience, ça fait partie de mon vécu, et en effet, cela s’exprime, j’en prends conscience, dans mes romans. C’est très bien observé. Personnellement, je pense qu’on ne s’écroule pas forcément après une disparition ou un abandon, c’est plutôt le début de quelque chose.
Dans L’envol, la ‘parole’ des morts est tout aussi importante que celle des vivants, à travers l’acte de transmission. Rien ne se perd, tout se transforme… C’est surtout vrai à propos du personnage principal, Théa, et de sa défunte maman.
Il est vrai qu’à partir de ce qui peut paraître négatif, je tiens à en faire du positif. Il y a un vrai dialogue entre Théa et sa maman, une véritable transmission à travers la ‘confession’ délivrée sous forme de lettres. Et c’est justement cette confrontation qui va permettre à Théa d’enfin s’affranchir de son passé.
L’histoire est marquée par une sorte de litanie, très belle, et la Répétition d’un événement particulier, qui se situe un 27 juillet. Un chiffre qui, en numérologie, est synonyme de création, progrès, affirmation de soi, sagesse, force intérieure, équilibre… ce qui correspond assez bien à votre caractère, et à L’envol !
Ah, c’est dingue ça ! En fait, le 27 n’est pas un hasard. Au départ, je voulais utiliser comme date le 21 juillet, pour faire un clin d’oeil à notre fête nationale, étant donné que ma maison d’édition est française, je trouvais amusant de mettre un peu en avant la Belgique. En discutant avec mon mari qui a souvent une bonne intuition, je me suis rendu compte que ce n’était pas forcément la meilleure idée. Donc, j’ai choisi le 27, qui est une date que j’adore… J’avais choisi cette date pour l’accouchement provoqué de ma petite troisième. C’est toujours un beau souvenir une naissance.
L’envol repose sur une sorte de mythe fondateur, ou rituel : reproduire de la manière la plus similaire possible - chaque année – une célébration parfaite. Est-ce aussi une manière pour vous de revivre la naissance de votre fille ?
Même si cet accouchement a été quelque peu difficile, il n’en reste pas moins un événement heureux, que je porterai toujours dans mon coeur, année après année, en effet.
N’est-ce pas là le secret de l’équilibre ? Accepter la joie et les difficultés, être capable de refaire surface après avoir plongé ? L’équilibre ne peut être constant…
L’équilibre, pour moi, c’est avancer, comprendre et accepter qui on est, avec nos forces et nos faiblesses.
J’entends beaucoup de gens qui ‘veulent changer’ ci ou ça. Moi à 42 ans, j’ai décidé de fonctionner de manière optimale avec mes forces et mes faiblesses. Et savoir aussi d’office que l’on n’a pas d’emprise sur tout, que l’équilibre peut à tout momentse rompre mais aussi se reconstituer, se retrouver. J’insiste aussi sur le fait que la recherche d’équilibre n'est pas forcément synonyme d’aller mal, que l’on peut simplement avoir envie de se retrouver. C’est la vie, quoi. Rédiger L’envol était aussiune manière pour moi de me questionner sur mon quotidien, d’évaluer si je ne m’étais pas encroûtée.
Abandon, disparition, équilibre, autant de thèmes qui émaillent votre oeuvre, mais dans L’envol, tout comme vous le faisiez à travers Une vie à t’attendre et Le choix d’une vie, vous entraînez le lecteur dans une sorte de jeu de piste.
Distiller les indices est important pour moi, je suis une grande fan de thrillers, de récits haletants, même si je ne pense pas forcément en écrire moi-même. J’ai insufflé un peu de cela dans L’envol, je ne peux pas envisager un livre sans intrigue, sans retournement de situation. Je pense que cela sera une constante dans mon oeuvre. J’ai besoin de m’amuser lorsque j’écris, de raconter – en premier lieu – une histoire qui me plaît. C’est clair que c’est l’enfant en moi qui a ce besoin d’amusement, de brouiller les pistes et de semer les indices petit à petit, avec la volonté d’aboutir à une résolution réussie. Si je prends par exemple le papa de Théa (ndr : le personnage principal de L’envol), Arthur Vogue, il présente de prime abord un profil assez noir, froid, il est considéré comme fondamentalement antipathique. Et tout à coup, une petite brèche apparaît dans l’armure, et on peut enfin comprendre ce qui explique cette attitude, et même ressentir de l’empathie. C’est important pour moi ce type de cheminement dans un film ou un livre. J’avoue une fois de plus que j’exprime librement la différence que je ressens par rapport au monde, ce décalage devient une source d’inspiration, un moteur, à même de – je l’espère – amener des éléments originaux dans la construction de mes intrigues, par exemple. Je pense que j’aurais des difficultés à suivre des cours de scénario par exemple, à utiliser des ficelles classiques. Non pas que je n’aime pas ça, mais voilà, je cultive cette différence.
L’écriture occupe une place importante dans L’envol, elle permet de faire vivre ‘La légende de Black’, mais aussi de faire avancer le récit à travers des lettres ‘testamentaires’, et un journal intime. Tenez-vous ce type de journal ?
Non, mais j’ai adoré écrire celui de Jill Vogue (ndr : la maman de Théa), j’étais tellement bien dans ce ‘récit dans le récit’, que je me suis d’ailleurs un peu laissée aller, j’avais du mal à lâcher la plume. À la relecture, deux ou trois passages ont été supprimés afin de gagner un peu de rythme. Pour moi, c’était une manière de prolonger ce plaisir, mais tout n’était pas nécessaire pour l’intrigue ou le lecteur. Ces lettres et le journal de Théa m’ont permis d’éviter les problèmes liés à une écriture uniquement à la première personne, de m’adapter à d’autres modes de pensée, à des âges différents. Vous avez changé de métier, passant du poste d’avocate à celui de coach de vie, ce qui vous a donné l’occasion de commencer à écrire des guides, pour passer ensuite au roman… Percevez-vous votre vie comme étant aussi un chemin initiatique ? L’envol tient beaucoup de cela, mais il est difficile de l’expliquer sans trop en dire ! Je trouve mon équilibre en confrontant ma réalité avec le sens profond que j’aimerais donner à ma vie, c’est un paramètre essentiel pour moi. Et donc je réévalue régulièrement ce qui a de l’importance ou pas, ce qui donne du sens à mon existence, comme être là pour mes enfants, dans mon couple ou écrire, par exemple. Je tente aussi d’être le plus juste possible dans tous ces univers. J’ai bien conscience que l’on peut mourir d’un instant à l’autre, c’est fort présent dans ma vie, mais j’essaie de transcender cette idée en étant le plus présente possible dans chaque minute de ma vie. C’est ce qui fait que je suis pleinement dans l’action, à en brûler la chandelle par les deux bouts. Mes changements de cap ont été progressifs, j’ai débuté le coaching au sein d’un gros cabinet d’avocats, où j’étais déjà dans le management. Je trouvais le droit passionnant, mais cela ne correspondait pas vraiment à ma sensibilité. Après la naissance de mon premier enfant, j’ai ressenti une forte envie d’écrire. Mon mari m’a soutenue, poussée même à me lancer dans l’aventure du roman, après une première expérience dans les guides de développement personnel. Au début, j’ai eu l’impression de m’adonner à un loisir, mais tout est rapidement devenu concret… j’ai signé pour mon premier roman sur base des vingt premières pages ! Je savais donc dès le départ que je serais publiée, mais bon… encore fallait-il aller au bout des choses. Mon début de carrière était plus lié à mon éducation, à une image projetée sur moi, mais à force de creuser, j’ai mieux compris qui j’étais, et ce que je voulais faire.
Pour le moment, je lis trois livres en même temps : Le prince des marées de Pat Conroy, Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Márquez, My Absolute Darling de Gabriel Tallent, une merveille un peu trash éditée chez Gallmeister.
Le premier livre qui m’a donné le goût de la lecture, c’est Les échelles du Levant d’Amin Maalouf, une sorte de thriller qui se démarque un peu dans sa bibliographie généralement plus historique. C’est une oeuvre à la fois accessible, haletante mais aussi profonde.
Je dirais qu’un roman à la fois épuré et haletant m’irait assez bien. J’aime beaucoup, par exemple, les livres de Delphine de Vigan. Je pourrais citer aussi – notamment – Reste avec moi d’Ayobami Adebayo.
Vous pouvez choisir entre la bande-son du film Bohemian Rhapsody ou un album des Editors. J’adore la session live qu’ils ont enregistrée pour Studio Brussel, leur musique me permet de rentrer dans le bon état d’esprit pour commencer à écrire.
Je citerais à nouveau Bohemian Rhapsody, ce film m’a permis de me recentrer, de comprendre les limites à fixer, que ce soit par rapport aux réseaux sociaux ou encore à l’impact que pouvaient avoir sur moi les critiques, positives ou négatives.