Les premiers volumes de cette biographie de Xavier Zubiri brossaient un portrait de
ce philosophe par vocation, et prêtre malgré lui, qui déjà s'était frotté aux plus grands
courants de pensée de l'époque contemporaine. Après la Guerre civile, le tome 3 retrace
l'histoire de ses grandes oeuvres, dans une solitude accrue, mais féconde.
On retiendra avant tout Naturaleza, Historia, Dios (1943) Sobre la esencia (1962),
Inteligencia sentiente (1981-1982), trilogie avec laquelle il conclut son oeuvre. On y
trouvera la collaboration de son disciple le Jésuite Ignacio Ellacuría, l'un des Jésuites qui
ont initié la théologie de la libération, d'inspiration zubirienne et non marxiste. Ignacio,
collaborateur et vulgarisateur de Zubiri, sera assassiné au Salvador en 1990.
Il est impressionnant de constater comment un homme qui s'est tenu strictement en
marge de l'action politique a pu influencer des hommes engagés en politique, en les
libérant de leurs idéologies par la réflexion philosophique : Laín, Aranguren, Marías,
Ochoa, Schrödinger, Ruiz-Giménez, gravitent autour de lui, publient en s'inspirant de lui,
de ses livres et de ses nombreux cours encore inédits. Quatre générations de philosophes,
en activité et futurs philosophes, se réunissent pendant dix ans au Séminaire Zubiri : la
génération de 1927, celle de 1940, celle de l'ouverture vers l'Europe, et celle qui succède
au 1968 français. Et ensemble, ils collaborent autour du vieux philosophe dans le cadre
de la Société des Études et des Publications.
Un livre qui inspirera aussi bien les séminaires de philosophie que les historiens, et
les hispanistes. Celui qui était professeur invité à Fribourg quand Lévinas y étudiait,
mériterait d'être connu et étudié en France. Cette biographie situe Zubiri dans un
horizon phénoménologique, en dialogue avec Husserl et Heidegger, et toujours attentif
aux nouveaux développements scientifiques et théologiques depuis son effort pour décrire
le réel de la façon exacte dont il se manifeste dans les actes humains.