La collection " Le Domaine " rend disponibles des œuvres du domaine public introuvables, surprenantes ou inédites. Dans cet univers en constante expansion, les découvertes seront de mise ; car, pour citer Italo Calvino, " les classiques sont des livres que la lecture rend d'autant plus neufs, inattendus, inouïs, qu'on a cru les connaître par ouï-dire ".
L'ultime roman de l'auteur hongrois des
Garçons de la rue Pál
, écrit en exil
" Tant que je pourrai écrire, chaque fois que je prendrai ces feuilles, j'évoquerai le départ : un officier fasciste, à la frontière de Suisse et d'Italie, me crie : "Votre religion ?'... une jeune fille inconnue à cheveux roux me regarde de son coin... m'avait-elle déjà regardé ? Est-ce mon imagination ? Chaque fois que j'évoque ces souvenirs, il me semble que je savais déjà vers quoi je me lançais à cœur perdu. "
Ainsi s'exprime le narrateur, journaliste hongrois, dans l'hôpital new-yorkais où s'achèvent ses jours. C'est un homme traqué, parce que juif, qui a fui l'Europe en 1939. Une attirance inexplicable, sauf l'anxiété et la solitude, lie son destin à celui d'une jeune danseuse, Édith Gaal, qui a fui la Hongrie après le suicide de son père. Leur liaison s'envenime lorsqu'il découvre qu'Édith plaît aux hommes et en joue. Sur son chemin, une succession de personnages inquiétants ébranle une à une ses certitudes : deux patrons de boîte de nuit qui ont connu Édith en Europe, un émigrant effronté auquel elle n'est pas insensible, le docteur autrichien qui soigne son cœur malade avec répugnance, la veuve Hilda qu'il finira par épouser sans rien soupçonner de son passé...
Drame de la vieillesse et de l'exil, écrit directement en anglais à New York,
À cœur perdu
(
Farewell My Heart
) est le dernier roman de Molnár. La traduction française a paru en 1946 aux Éditions de la Maison française, sise au Rockefeller Center, qui publiait des écrivains exilés comme Raymond Aron, Saint Exupéry ou Jules Romains. Quoique les personnages de ce roman soient " entièrement fictifs ", sa teneur autobiographique et les allusions à la guerre en Europe y sont autant de métaphores de la déchéance du narrateur, auquel le " monde d'hier " est arraché jour après jour.