Dans les gaz d'échappement et la saumure marine, maculé de cambouis, fatigué, sur les nerfs, une vision m'envahit. En un éclair, je saisis tout - la psychologie des despotes et des P.D.G. Je me disais que pour que la civilisation continue d'exister, les gens devaient rester au même endroit, et il semblait donc naturel que l'évolution de la société crée une illusion de mouvement, alors qu'il n'y en a aucun : des voitures plus rapides ; un montage plus nerveux ; une stimulation sensorielle augmentée, bien que nous restions figés dans une immobilité croissante. La population est submergée par la sensation du progrès, alors qu'en réalité elle est emprisonnée. [...] Je voyais un avenir où la vitesse serait la nouvelle religion, et je voulais en faire partie.
Suite au rêve utopique de la génération qui les a précédés - celle de la Beat Generation - et à la contamination de la vague « contre-culturelle », Frank et Tanya prennent la route. Entre sentiment de révolte et malaise croissant, absorbés par la présence écrasante des médias et confrontés à des identités factices ingénument fortifiées par la perte de leurs illusions, ils explorent jusqu'au point de rupture ce qui fut le prélude de l'ère du simulacre, dictant l'attitude et la personnalité de chacun.
Récit de la désagrégation d'un couple sillonnant l'uniformité américaine telle qu'elle se dessinait déjà dans les décennies antérieures, ce roman est aussi la chronique d'un monde en pleine disparition. Et c'est moins l'existence des personnages qui nous est relatée ici que l'histoire qui les achemine vers un exil intérieur, l'impossibilité de connaître la vie réelle d'un autre être, fût-il le plus proche.
Après Hôtel des actes irrévocables, Sous l'empire des oiseaux et Une vie psychosomatique, Carl Watson, dont « l'oeuvre est d'une valeur rare » (Nick Tosches), poursuit son décryptage des zones les plus obscures de la psyché humaine.