Tout le monde a lu Simenon et connaît le commissaire Maigret. Et pourtant,
n'est-ce pas un leurre que de se fier à ces premières approches et aux
déclarations tonitruantes, voire provocatrices, de l'auteur lui-même ? En
lisant ses romans de très près, on fait quelques découvertes inattendues,
d'autant plus précieuses qu'elles révèlent la profondeur d'un écrivain réputé
facile d'accès.
On verra dans ce livre à quel point Simenon est imprégné par la lecture des
romanciers qui sont ses précurseurs ou ses contemporains. Peu porté sur
le roman historique, il écrit plutôt dans les marges de l'Histoire, au plus
près de la vie des gens. Incroyable défilé de toutes les catégories sociales
jusqu'à la plus humble, celle des clochards, pour lesquels il éprouve une
véritable fascination.
Fasciné aussi par l'insaisissable sexualité qui n'est pas sans rapport avec la
folie, il les explore l'une et l'autre en se fondant sur une connaissance
approfondie de la psychiatrie. Cependant, il la sait aussi insuffisante
qu'indispensable, et inévitablement déformée par la machine judiciaire.
C'est pourquoi il l'inclut dans une exploration plus vaste et proprement
romanesque.
Et tout cela sur le ton le plus naturel du monde, qui s'avère la plus subtile
des feintes. Tant il est vrai que, chez Simenon aussi, le réel est un effet
de l'art. Lire ses romans, c'est traverser les apparences, non s'y complaire.
Qu'on en fasse l'essai : le résultat est impressionnant.