«C'est le dernier jour, mais je ne le sais pas encore.
Exactement comme au moment où a été pris ce Polaroïd. Je
dois avoir dix ans, mes yeux sont plissés de fureur parce
qu'on me force à me tenir face au soleil ou parce que je
n'existe qu'en photo ; le tee-shirt bleu ciel des Dents de la
mer ne me rappelle rien, le banc de sable qu'on devine flou
derrière non plus, et du jour où cette photo a été prise, je ne
sais que ce qu'on m'en a dit : qu'après l'avoir éventée pour la
faire sécher, au lieu de l'empocher comme n'importe quel
parent, ma mère me l'a tendue comme si elle ne voyait vraiment
pas quoi en faire. Maintenant je la regarde sans me
reconnaître tant je n'ai aucun souvenir d'avoir été aussi
déterminée, aussi certaine, à cet âge, de ce que j'étais et de
ce que je refuserais de devenir, et je finis par penser que si je
dois quelque chose à quelqu'un, c'est à cette gamine énervée
qui ne fixait pas sa mère mais un point déjà bien au-delà.»
Au fil d'une journée où se croisent ceux qu'on a trop
aimés ou pas assez, un passé resurgit et se déconstruit peu
à peu. À la folle jeunesse exprime, avec le plus de sincérité
possible, les plus gros mensonges. Et inversement.