Encore le libertinage ! Encore une théorie ! N'y a-t-il rien de mieux à dire
sur les Lumières, attaquées de tous côtés comme la source de nos maux ?
J'ai longtemps partagé cet agacement, avant d'admettre que le XVIIIe siècle
français nous léguait la Bastille et le boudoir, la guillotine et la petite mort.
Mon agacement s'est alors déplacé, et s'interroge désormais sur la
pertinence de cette affriolante créature philosophico-littéraire censée hanter
les deux derniers siècles de l'Ancien Régime, et préfigurer nos rêves de
libération, de jouissance, de puissance : le libertinage.
Mais le libertinage des Lumières, dont la séduction rejaillit sur les textes
antérieurs, a-t-il vraiment quelque rapport intime et nécessaire avec les
oeuvres dites libertines du XVIIe siècle ? Pourquoi une notion si prestigieuse
et usuelle reste-t-elle, malgré la profusion des études, aussi confuse ? Sade
est-il un auteur libertin ? Qu'invente exactement Crébillon, avant d'être
éclipsé par Laclos, métamorphosé par Musset ? Voilà quelques-unes des
questions de cet essai sans doute un peu vif, qui se veut réflexion sur les
oeuvres et discussion des interprétations.