Le fait religieux est sans doute aussi vieux que l'humanité. Toutefois, avant l'émergence du monothéisme, aucune religion n'avait ordonné de détruire les dieux d'autrui pour imposer le sien, ni exhorté à convertir, écarter ou exterminer les adeptes d'autres religions. Aucune n'avait en effet introduit la notion « du vrai et du faux » dans le domaine des dieux, aucun dieu ne s'était déclaré jaloux, aucun n'avait condamné les adorateurs d'autres divinités. Introduisant la dimension du sacré dans la dichotomie entre « eux » et « nous », l'accusation d'idolâtrie tend à diaboliser l'adversaire, à radicaliser les conflits, à sacraliser la violence.
Judaïsme, christianisme et islam se veulent certes des religions de paix et d'amour. Mais leurs textes sacrés contiennent en leur coeur une injonction paradoxale, « Aime ton prochain, mais lapide l'idolâtre », ce que Saint Augustin reformulera par : « L'Eglise persécute par amour. » Prétendre avoir reçu la révélation du « vrai dieu », n'est-ce pas occulter le caractère nécessairement limité, relatif, de toute approche humaine de la vérité, fût-elle réputée d'inspiration divine, fût-elle perçue comme révélée ? N'est-ce pas succomber à la tentation de l'absolu ?
La Torah, la Bible et le Coran pourraient-ils ne plus être tenus pour des livres sacrés exprimant des commandements divins, mais rejoindre le patrimoine culturel commun de l'humanité, et n'être plus considérés que comme des témoignages humains, comme des invitations au questionnement ?
Cet essai est le second d'une trilogie sur la violence monothéiste. Le premier, intitulé Guerres de religion et police de la pensée : une Invention monothéiste ? visait à présenter les faits. Le second, celui-ci, cherche à identifier les mobiles, et suggère une voie de solution. Le troisième recensera et discutera les différents éléments du débat.