En Turquie, l'opposition politique à la laïcité dogmatique kémaliste a continûment considéré la référence à l'identité religieuse et à la très forte prégnance sociale de l'Islam comme une ressource fondamentale. Depuis l'arrivée des premiers Gastarbeiter et à mesure de leur installation, l'Allemagne a représenté l'opportunité d'un espace politique moins prohibitif et d'une base sociale de plus de deux millions d'individus à conquérir en termes d'offres sociales, politiques et culturelles. C'est dans l'interaction entre les évolutions de politique intérieure turque et la problématisation politique, juridique, religieuse de l'islam en Allemagne que s'est progressivement mis en place un espace transnational au sein duquel les associations islamo-turques occupent une position centrale en matière de communication comme de mobilisation politiques.
La politique d'immigration, l'institution de la nationalité, les dispositifs juridiques, l'approche scientifique et le rapport très particulier entre politique et religieux qui prévalent Outre-Rhin aident à comprendre la réalité complexe de cette dynamique d'interaction entre un espace politique allemand fermé et des lignes de mobilisation proposées par des organisations qui «ramènent au pays». Partant d'une observation des organisations associatives, l'ouvrage souligne la spécificité des contextes nationaux et des opportunités, avant de la mettre en relation avec les modalités collectives et individuelles de s'engager comme croyant dans une activité militante, associative, voire politique. C'est aussi l'occasion pour l'auteur, à partir d'une approche biographique, de restituer la diversité des profils individuels, féminins et masculins, qui composent les visages changeants de l'islam turc d'Allemagne et, en cela, l'apparentent à ses cousins d'Europe.