Fumer tue, paraît-il. Mais vivre aussi, non ? Alors pourquoi s’en faire ? Parce que l’heure est à l’hygiène de soi, à la propreté de l’âme, au corps immaculé. Qu’à cela ne tienne, le narrateur décide d’arrêter de fumer : il souhaite vieillir sans tousser. Mais on ne se défait pas facilement d’une pratique devenue une seconde nature. Surtout lorsqu’on aime justifier ses choix, les comprendre : et voilà notre anti-héros contemporain arrêté, songeur, au milieu des volutes de fumée, sur le concept de dernière cigarette.
Refusant de s’imposer des impératifs tyranniques, préférant laisser faire la nature, il se fie à sa pensée alerte pour divaguer, de dernières cigarettes en dernières cigarettes, sur les motifs de son addiction, et cogiter sur ce jeu dangereux et si humain consistant à reproduire de jour en jour un petit vice en se disant qu’on n’en est pas réellement l’esclave. Les autres fument, tandis que vous, vous prenez plusieurs fois par jour une dernière cigarette…
Henri-Pierre JEUDY, né le 13 mars 1945, philosophe, sociologue au CNRS, écrivain, auteur de nombreux ouvrages sur les mémoires collectives, la machinerie patrimoniale, les catastrophes et les paniques, les villes et l'esthétique urbaine.
Dernières parutions : Le corps comme objet d'art (Armand Colin), Les usages sociaux de l'art (Circé), Fictions théoriques (Léo Scheer), Critique de l'esthétique urbaine (Sens et Tonka), L'art de ne pas être grand père (Circé).