Comment en sommes-nous arrivés à produire un monde ayant comme moteur l'affamement de la Terre, et donc de l'être humain ? Voilà le problème auquel cet ouvrage vise à répondre. Pour ce faire, Lina Álvarez Villarreal adopte une perspective généalogique et décoloniale, interroge le discours de la physiocratie et - à l'encontre des lectures les plus répandues - soutient que cette école d'économie politique fondée par François Quesnay au XVIIIème siècle constitue un discours foncièrement critique vis-à-vis du projet historique d'accumulation de choses déclenché à partir du XVème siècle; toutefois, cette dimension critique a été rapidement occultée et mise au service du capitalisme-colonial. L'ouvrage explore la portée critique de la physiocratie à travers une analyse de son ontologie matérialiste sacramentelle, de l'importance qu'elle accorde à l'organisation agricole de la société à partir du principe de réciprocité, et des critiques qu'elle effectue à l'égard du mercantilisme. Une telle lecture permet de mettre en lumière l'importance de technologies de pouvoir tels les mesures fiscales, la bureaucratisation de l'appareil étatique, et la dette dans l'établissement des antagonismes ville-campagne et métropole-colonie, ainsi que dans la formation de l'économie en tant que discours axé sur l'idée de croissance et la domination de la nature. En même temps, cet ouvrage met en lumière l'existence, au sein même de la géo-histoire européenne, des pratiques économiques alternatives, caractérisées par leur attachement à la Terre et dont le but n'est pas l'accumulation de capital mais la satisfaction des véritables besoins des humains et de la Terre. Ce faisant, Lina Álvarez Villarreal entend contribuer à décoloniser l'imaginaire au sujet de ce qu'a été, de ce qu'est, et de ce que pourrait être l'économie.