Alfred Fouillée
(1838-1912) écrit à une époque
marquée par l'affrontement de la
France et de l'Allemagne et par
la crainte d'une déchirure de la
société face à l'emprise croissante
des idées révolutionnaires et au
déclin irréversible des formes
traditionnelles d'autorité. Ses
ouvrages consacrés à la «question
sociale» ont assuré sa notoriété
jusqu'à en faire le «parrain
intellectuel» de la Troisième
République, ce qui peut aussi
expliquer le relatif oubli dont il est
l'objet. Pourtant la signification
et la portée de l'oeuvre d'Alfred
Fouillée ne se réduisent pas à cette
dimension. Il est aussi l'auteur
d'une philosophie évolutionniste
de la vie dont l'idée-force est
le concept central. La vie est la
synthèse de la force et de l'idée, et
l'évolution est le processus
par lequel l'accent passe de la
force à l'idée. Du vivant au social,
l'idée-force devient idéal
et l'évolution, initialement
involontaire, devient réforme
volontaire. Si elle commence
avec l'égoïsme et la lutte pour
la vie, l'évolution ne prend son
sens que par sa fin, l'altruisme
et la fraternité. C'est pourquoi
la démocratie est l'idée-force en
politique, même si, du fait que
l'évolution requiert maintenant
la volonté et la liberté, la crise
est le régime normal de la
démocratie, si l'on sait voir en
elle l'aiguillon qui l'incite à
s'approcher de son idéal.