En 1956, Jean Martin, appelé du contingent affecté au «maintien de l'ordre» en Algérie, écrit régulièrement à sa famille.
Dans une de ses lettres, il prend des nouvelles de ses proches tout en écrivant : «Demain je suis de corvée de torture... que voulez-vous, même pas agréable on le fait à chacun son tour». Dans une autre, il rassure ses parents sur la nourriture : ce n'est plus la peine de lui envoyer des colis, désormais «ils» se font suffisamment respecter et les «bougnoules» se sentent bien forcés de leur donner tout ce qu'ils exigent : «Il faut bien leur faire comprendre qui est le maître !» Plus loin, il raconte avec force détails, sans état d'âme, une opération de représailles : «On leur a fait creuser des trous pour enterrer tous les morceaux de ferraille, et un trou plus grand. Puis on les a tous tués, des plus âgés aux plus jeunes.» A peine perçoit-on parfois une sorte de lassitude, par exemple à la veille d'une permission qu'il attend depuis des semaines...
Dans la présentation de cet ouvrage, Claude Liauzu restitue le cadre factuel, événementiel, idéologique et politique des années 1956-1957. Les lettres de Jean Martin témoignent d'une accablante réalité. En abordant la question de la mémoire de cette période, ce document soulève des enjeux contemporains et contribue au retour d'une conscience critique.