En Allemagne, au début du XVIIe siècle, la chasse aux sorcières bat son plein et allume partout ses bûchers. Un Jésuite, Friedrich Spee von Langenfeld (1591-1635), est chargé de confesser les condamnés, des femmes surtout, de tous milieux. Au cours de ces confessions, il se rend compte que ces malheureuses n'ont de sorcières que le nom et ne sont arrêtées, emprisonnées, torturées et condamnées au bûcher que pour avoir été accusées par d'autres inculpés eux-mêmes soumis à d'effroyables tortures. Il adresse alors à l'Empereur et aux princes une dénonciation rigoureuse du mécanisme qui, à travers tout le pays, conduit à la torture et à la mort des milliers d'hommes, de femmes et même d'enfants. Son témoignage est un des premiers grands réquisitoires contre la torture. Avec une liberté d'esprit étonnante pour son époque. Friedrich Spee montre l'enchaînement qui, partant des superstitions populaires, met en marche inexorablement la machine judiciaire, avec souvent la complicité active ou tacite de l'Eglise et du pouvoir temporel. Sa compassion, son ironie et parfois son désespoir font de ce document unique un grand témoignage d'humanité, comparable à celui de Bartolomé de Las Casas en faveur des Indiens.
La Cautio criminalis, ouvrage célèbre en Allemagne, n'a été traduite qu'une fois en français, en 1660, et n'a pas été rééditée depuis.