Continent de forte croissance économique, de démocraties fragiles et
d'inégalités extrêmes, l'Amérique latine est aussi traversée d'une dynamique
soutenue de rébellions et de contestations sociales, aux formes, aux
identités et aux revendications renouvelées.
Et pourtant, les mouvements sociaux de la région ont fort à faire aujourd'hui
pour continuer à exister, à peser sur le politique. Menacée de dilution, de
fragmentation ou de répression dans les pays où les gouvernements sont
restés ou revenus dans les courants dominants du néolibéralisme et du
«consensus de Washington» ; menacée d'instrumentalisation, de cooptation
ou d'institutionnalisation dans ceux où les pouvoirs se sont attelés, peu
ou prou, à récupérer en souveraineté et à redistribuer les dividendes des
richesses exportées, la protestation émancipatrice offre un visage pluriel.
Un double clivage prévaut d'ailleurs au sein de la «gauche sociale» latino-américaine.
Celui - de fond - qui divise tenants et opposants du neo-desarrollismo,
nationalisme populaire d'un côté, écosocialisme de l'autre.
Et celui - plus stratégique - qui oppose les partisans d'un aboutissement
politique des mobilisations aux apôtres de voies plus autonomistes,
basistes ou localistes du changement social.
Reste que, du Chili au Mexique, du Brésil au Venezuela, de l'Uruguay au
Guatemala, de la Bolivie au Honduras et dans le reste de l'Amérique latine,
les mouvements sociaux - paysans, urbains, indigènes, étudiants, etc. -
influent tant bien que mal sur la redéfinition de la participation démocratique
et de la citoyenneté politique.