La vocation de Jane Austen fut précoce : à peine sortie
de l'enfance, elle faisait les délices du cercle familial
par de désopilantes parodies du roman sensationnel
alors en vogue. Écrit à l'âge de quinze ans, Amour
et amitié est, comme le soulignait Chesterton dans
sa préface de 1922, l'une des grandes réussites de
cette oeuvre de jeunesse. Les tribulations délirantes
de la belle Laura, fanatiquement éprise de beaux
sentiments et égoïste jusqu'à l'absurde, y sont
narrées avec le sens aigu de l'invraisemblance et la
lucidité ironique qui caractériseront les romans de la
maturité. Mais c'est d'abord une farce étourdissante,
volontiers sardonique, qui illustre avec éclat l'audace
et l'insolence qu'Austen devait plus tard mettre en
sourdine : cette jeune fille de quinze ans, remarquerait
Virginia Woolf plus tard, «s'y rit du monde dans son
coin».