Monstres, hybrides, animaux composites, sphinx,
hydres, chimères, dragons, licornes, griffons, sirènes,
centaures, tritons, pégases, harpies, phénix : les
animaux fantastiques sont partout dans l'art mondial
- de Sumer à la Grèce, de la Chine au Mexique,
de l'Afrique noire à la Mélanésie, des enluminures
gothiques au cinéma de Hollywood en passant par
Bosch, Goya, Picasso, la bande dessinée, la publicité,
le folk art et l'art brut. On les trouve donc à toutes les
époques, dans toutes les cultures, dans tous les genres
artistiques. Une masse énorme de documents l'atteste :
les quelque 200 illustrations que contient ce livre ont
été sélectionnées parmi des milliers, et le choix fut
difficile. Reste à comprendre la (ou les) signification(s)
de ce phénomène présent, sous une forme ou sous une
autre, dans toutes les civilisations. Quelques rares
chercheurs s'y sont essayés - historiens d'art pour
la plupart : Jurgis Baltrusaitis, Gilbert Lascault... -,
sans apporter de réponse définitive. Le monde des
animaux fantastiques est un univers riche, complexe,
qui éveille d'innombrables échos inconscients, qui
entretient des rapports très profonds avec le monde
du rêve (et parfois du cauchemar), et qui continuera
à faire rêver longtemps encore.
Au Moyen Âge, le terme «bestiaire» s'applique
à des poèmes en vers latins ou français, dans lesquels
sont mises en lumière les propriétés «morales»
des animaux les plus divers, réels ou imaginaires.
Aujourd'hui, nous sommes devenus plus exigeants :
nous ne mettons plus sur le même plan animaux
observables et animaux rêvés. On aurait tort de croire,
toutefois, que les premiers ont réussi à évincer les
seconds. Car, à mieux y regarder, notre environnement
visuel a bien l'air d'être peuplé de plus d'animaux
fantastiques que de créatures réelles... Et qu'est-ce que
le «fantastique» ? Le plus ancien théoricien de la
«monstruosité», Aristote, a proposé de définir celle-ci
comme écart par rapport à la nature. Mais tout
art n'est-il pas, par définition, écart par rapport
à la nature ?
Prétendre offrir une vue d'ensemble d'un tel bestiaire
ou, mieux encore, proposer un voyage au sein de cet
univers imaginaire peut sembler une gageure. Ariane
et Christian Delacampagne ont relevé ce défi en
écrivant un texte novateur ; ils ont été aidés par une
iconographie aussi riche que passionnante.