« À l'époque où il lut le manuscrit d'Hector, Albert Camus était aux prises avec l'une de ses oeuvres majeures : L'Homme révolté. Peut-être que mon roman, qui sentait le soufre, lui sembla épouser la ligne qu'il développait tout au long de ce vaste essai. Il y retrouvait non seulement le train-train d'une Algérie coloniale ignorant son destin, mais, à travers ce semblant d'innocence, le malaise inspiré par de jeunes voyous qu'une sorte de fatalité, sous la splendeur des nuages et des roseaux dansant leur pavane, conduirait à trancher les mains à un pianiste avant de le débiter en morceaux. L'horreur de l'acte, la splendeur du décor et du Temps bondissant de seconde en seconde, tout cela était donné à la fois. Les personnages n'en avaient aucune conscience. Cette conscience était dévolue à l'auteur qui, à un moment, s'identifiant à Dieu, s'écriait : "Quelle faute monstrueuse que la Création ! "Il s'agissait, alors, pour Dieu, de barrer d'un trait de plume les lois
régissant cette création : sur la jetée du port de Musturaga, mes deux héros se fondaient en une entité unique, qui abolissait toute dimension, toute limite, toute loi. La Terre éclatait. »
Jean-Pierre Millecam, révélé par Albert Camus, le compatriote compassionnel, revient sur les années de feu et de foi : le combat au jour le jour pour l'Algérie indépendante, les violences subies et la fuite au Maroc devenu désormais légendaire, sans oublier les rencontres déterminantes sur la scène parisienne avec Jean Cocteau, Jules Roy, Maurice Nadeau, Angelo Rinaldi ou Jean Daniel.