Fernando Pessoa
Antinoüs
Ils vivaient cet amour comme une religion
Consacrée à des dieux qui se donnent aux hommes.
Parfois on le parait, parfois le dévêtait
À moitié, et dans sa nudité de statue
Il semblait être un dieu à qui la perfection
Du marbre peut donner une semblance humaine.
Tantôt c'était Vénus, naissant blanche des flots ;
Ou c'était Apollon, jeune et tout couvert d'or ;
Ou alors Jupiter qui moqueur évalue
La présence à ses pieds de son amant esclave ;
Ou il jouait un rite accompli par lui seul
Au cours de mystères toujours recommencés.
On ignore souvent que le poète portugais Fernando Pessoa (1888-1935) est l'auteur de poèmes écrits en anglais. L'un des plus célèbres est ce long lamento sur la mort du bel Antinoüs, amant de l'empereur romain Hadrien (76-138 ap. J. - C.).