Le mythe de l'orphisme semble orienter l'expérience poétique d'Apollinaire dans sa totalité. L'auteur d'Alcools et des
Calligrammes, continuant les recherches de Baudelaire et Rimbaud, n'a cessé d'explorer les « profondeurs incolores »
de la conscience et les terres inconnues du désir (« la grande force est le désir »), sans jamais renoncer pour
autant aux prérogatives occidentales du génie solitaire. C'est précisément dans cette vision orphique - où l'art
habitue à ne s'habituer à rien, se révélant être le lieu de l'infini ou la liturgie du prodige (« Habituez-vous comme
moi / À ces prodiges que j'annonce ») - que l'écriture d'Apollinaire atteint ses meilleures réussites, inaugurant
de façon originale la nouvelle poésie du XXe siècle.