Après une journée entière de concentration sur le vide générateur
des formes de l'écriture, l'écrivain descend à travers
la ville pour aller au café ; à la nuit tombante, il va de cour en
cour, de passage en passage. Dans la foule, prête à toutes les
agressions, çà et là on le reconnaît de façon hostile ou avide.
Le collègue écrivain, l'homme qui exige un autographe pour
son enfant, la vieille femme tombée dans les buissons au bord
d'une route, l'ivrogne au café, autant de rencontres à la fois
fortuites, hostiles ou roboratives, mais toujours observées
avec une acuité et une précision exceptionnelles. La réalité
sous ses yeux s'exacerbe, s'exorbite, s'agrandit, son regard
ne cesse d'être celui de l'écrivain : le moindre détail particulier
devient une dimension du monde. Il arrive en retard au
rendez-vous avec son traducteur, délivré lui de l'écriture
propre par la fidélité à l'écriture d'autrui, et finit par remonter
chez lui en pleine nuit, redécouvrant soudainement le
tressaillement d'exister.
G.-A. G.