Alors que l'Holocauste s'éloigne dans le temps, ses survivants et
témoins disparaissent, laissant à la génération suivante la responsabilité de
prendre soin de son héritage. Eva Hoffman, fille de survivants juifs polonais
élevée au Canada, se penche sur la manière dont se transmettent les souvenirs
personnels de ces épreuves, décrit son combat de petite fille pour éviter d'être
une «victime de victimes», autrement dit pour échapper à cet héritage trop
lourd sans renier ses parents, et nous invite à réfléchir à l'impact différé de la
Shoah sur la «génération d'après» et aux processus souterrains par lesquels
la mémoire de la souffrance se transmet, par opposition aux stratagèmes plus
volontaristes de la mémoire collective.
En regardant son propre vécu de fille de survivants à travers les prismes de
l'histoire, de la psychologie et de la morale, Eva Hoffman nous donne des clés
pour appréhender les mécanismes par lesquels l'individu s'approprie la malédiction
de son ascendance pour mieux s'en libérer. Elle revendique son droit à
une mémoire personnelle qui ne soit pas contaminée par le masochisme ou la
mauvaise conscience, et dénonce les rites convenus du «devoir de mémoire»,
leur préférant une recherche exigeante d'authenticité - celle, éminemment
individuelle, des faits comme celle des sentiments.
Après un tel savoir... (titre tiré d'un poème de T.S. Eliot) est un essai brillant,
personnel et érudit, qui a été salué à sa sortie comme un événement par une
presse américaine unanime.