Et si la perspective moderne n'existait pas ? Ne faut-il pas nuancer
la thèse massivement admise qu'au Quattrocento, un dispositif unitaire
de représentation se mettrait en place dans la peinture, dont la
fonction demeurerait inchangée jusqu'à l'Âge classique ? En relisant
les textes d'Alberti, de Piero della Francesca, de Léonard de Vinci
et d'Albrecht Dürer, en regardant autrement les peintures de la
Renaissance, des fresques d'Arezzo ou de la Cène de Milan, ce livre
met en effet en évidence des dispositifs singuliers, liés pour chaque
peintre à des régimes différents de la représentation, du visible, de la
vision et du regard.
Pourtant, au XVIIe siècle, le discours sur la perspective est soudain
convoqué par la philosophie, pour éclairer le nouveau partage entre la
représentation du sujet pensant et une matière désormais géométrisable.
À quelles conditions, improbables et contingentes, la perspective
a-t-elle pu tenir cette place à la fois décisive et ambiguë dans
l'émergence de l'âme classique ? Par quelles transformations, de
la surface de la peinture et de la place du spectateur, a-t-elle dû
passer pour rendre possible la clôture de l'image sur la représentation
classique ?
À l'histoire d'une forme symbolique, ce livre substitue le récit
désormais éclaté d'une archéologie ou d'une généalogie de la
modernité.