1905, Tunis. On vient de mettre au jour à Uppenna (Henchir Chigarnia) alors dans le Domaine de l'Enfidha, à cent kilomètres au sud, une grande basilique chrétienne, riche de mosaïques funéraires inscrites et décorées. Un moment décisif d'histoire de l'archéologie d'Afrique du Nord vient de commencer, qui est aussi un moment d'histoire contemporaine passionnant et passionné. Alors qu'en métropole fait rage la quasi-guerre civile qui a accompagné la gestation de la Loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat, les enjeux de la découverte tunisienne apparaissent au grand jour. Enjeux scientifiques, avec une documentation couvrant trois siècles, du iiie au vie s., et de lourds problèmes d'interprétation : la « grande mosaïque des martyrs » est-elle catholique ou « donatiste » ? Enjeux personnels, entre Paul Gauckler, responsable de l'archéologie dans le Protectorat, le Père Delattre et Paul Monceaux, spécialistes de la période chrétienne, et encore l'actif et agressif Docteur Carton ; enjeux économiques, avec la Société Marseillaise de Crédit, qui exploite l'Enfidha. Enjeux politico-religieux, avec l'union sacrée entre laïques et cléricaux du monde colonial autour d'un vestige de la présence « occidentale » en terre arabo-musulmane Sur ces épisodes révélateurs et souvent pittoresques, Dominique Raynal fait la lumière avec une précision sans défaut.