La situation de l'architecture contemporaine est paradoxale: elle se tient dans l'équivoque du beau et du laid, redoublée par une équivoque plus troublante encore, peut-être plus objective: c'est la réalité elle-même qui semble échapper à l'architecture et l'architecture qui semble déserter la réalité.
Pour saisir toute l'ampleur et la signification profonde de ces équivoques, il faut d'abord s'interroger sur ce qu'habiter signifie. Car l'espace habité, vécu, rêvé, comme l'ensemble de la pratique humaine et sociale, relève d'un rapport fondamental au monde, à autrui et à soi-même.
Cette interprétation phénoménologique et sociologique n'est vraiment concluante qu'au moment où nous pouvons replacer ensuite l'histoire de l'architecture dans l'histoire singulière du monde moderne, comprendre qu'avec l'émergence de la nouvelle agglomération urbaine, c'est justement tout le langage, le travail, les savoirs, la vie même qui entrent dans un procès de transformations sans précédent. Dorénavant, en effet, on ne saurait isoler l'architecture d'une considération globale de la Cité. L'architecte maintenant doit «frayer une voie à l'architecture», c'est-à-dire proposer un espace collectif concret capable de repousser l'espace abstrait des médias et des organisations - c'est-à-dire encore: frayer une voie à la socialité et au respect de soi de la société.