Laissant aux hommes l'orgueil de se croire maîtres de leur destin, les pays n'échappent
pas au leur. Comment pourraient-ils s'affranchir des lois de l'univers qui les ont faits tels
qu'ils sont ? Comment ce pays ardennais, fait de plaines lumineuses et de forêts obscures, de
monts, de vallées profondes, d'arêtes acérées, de rivières nonchalantes, n'aurait-il pas été,
naturellement, un sanctuaire d'animaux sauvages ? Comment ses terres si diverses
n'auraient-elles pas été, aussi naturellement, des terres de chasse ? Si ce pays a donné son
nom à la déesse de la chasse, Arduina la celtique devenue la Diane romaine, s'il porte comme
emblème le sanglier de sa forêt légendaire, s'il fut le théâtre de la conversion du païen Hubert,
saint protecteur des chasseurs, et s'il a su conserver depuis la nuit des temps le particularisme
des tenderies aux grives et aux vanneaux, est-ce le fruit du hasard ? La chasse semble
indissociable de l'Ardenne.
A sa longue histoire, racontée dans ce livre, elle doit sans doute une part de son fort
caractère d'aujourd'hui, qu'expriment si bien les photos des départs dans les brumes
matinales des chiens impatients de partir en traque, des soleils pâles des jours de froid vif, des
plaines ondulantes, de l'attente muette au bois, du débucher des sangliers, des honneurs
rendus au gibier...