Argonne
Par ici, le meilleur ne s'affiche jamais plus qu'il ne le faut. Une certaine discrétion, faite d'humilité et de pudeur, et aussi de gentillesse, de bonne volonté, inspire, au moins en apparence, les affaires courantes, les relations avec le visiteur, les choses de la vie. Cette modestie, qui adopte souvent une allure de familiarité débonnaire, n'exclut pas un fier sentiment d'appartenance à un territoire qui, selon toute vraisemblance, n'est pas à l'avant-veille de sa réunification.
Peut-être pour conjurer cette fatalité du morcellement, en Argonne, tout est d'Argonne, comme en Ardenne, tout est d'Ardenne. Des enseignes, des publicités, des panneaux, des néons se chargent de rappeler au passant qu'il est de passage en Argonne et nulle part ailleurs. La boucherie est d'Argonne, la toiture est d'Argonne, la nature est d'Argonne, la brocante est d'Argonne, la forêt est d'Argonne. Pour être funèbres, les pompes n'en sont pas moins d'Argonne. Et si l'hôtel est de la Poste, la réceptionniste est d'Argonne.