Ars poética et Poèmes bibliques sont les deux derniers recueils de yòrgos Thèmelis (1900-1976), parus peu avant sa mort comme un testament poétique. Un art poétique se dessine en contrepoint de poèmes dialoguant avec des versets bibliques. Le poète, être de feu, est à la fois un veilleur, un messager et un prophète.
Le lecteur, plongé au coeur de notre condition, rencontre l'amour, la vie et la mort, leur lutte. Le poète dénonce l'extension sans frein du règne du profit qui rend notre monde antipoétique, inhumain. Tout s'achète, tout se vend. Pour que notre commune maison ne reste pas une maison de commerce, il invite à écouter la parole brûlante du poème qui oriente vers l'aurore.
Habitée par un questionnement existentiel, traversée de visions surréelles, apocalyptiques, la poésie de Y. Thèmelis mêle à des accents de tragédie grecque un moderne lyrisme. Une pensée poétique de l'homme, de l'univers, s'élève en un chant âpre et puissant. Oscillant entre incroyance et croyance, le poète s'approche du mystère en traversant la chair. Sa quête à la fois incarnée et mystique de la lumière cherche un Visage qui sauverait de la chute abyssale.
Loin du langage qui avilit le monde, transformé en empire de froides marchandises, le poète parle « une autre langue », ardente, délivre les choses en les nommant, les êtres en les aimant. Attentif à ces éclairs qui nous révèlent un peu de l'invisible, il accueille, au milieu des plus grands périls, comme une « fine lune », l'espérance en sa maison de lumière et en fait don dans son chant ultime, tissé d'ailleurs.
(B. G.)