Vivre ailleurs, s'installer durablement et changer de perspectives : des récits d'écrivains contemporains sur cette expérience fantasmée et vécue, faite d'émotions et de résonances
« Absurde. Ridicule. Dégoûtant. Alors qu'il n'avait que vingt-trois ans, voilà ce que répliquait Arthur Rimbaud lorsqu'on parlait de ses vers avec admiration et qu'on essayait timidement de le ramener à la littérature. Ce n'était pas le dégoût calculé d'un auteur reniant avec force son œuvre de jeunesse pour concentrer tous les regards sur ses écrits futurs. C'était le trait définitif, net et inexorable tracé au bas d'une addition payée. En ce temps-là, à seulement vingt-trois ans, Rimbaud avait depuis longtemps déserté le monde de l'art. Il revenait d'Afrique et avait déjà parcouru toutes les latitudes. Il avait usé ses semelles de vagabond sur les routes d'Allemagne, de Belgique et d'Angleterre, vendu des porte-clefs le long des boulevards parisiens, aidé les fermiers de Hollande à ramasser l'herbe fauchée. Il avait accompli les plus basses besognes manuelles, connaissait la dureté des paillasses de prison et les averses de la forêt vierge... »
Traduite et présentée par Jean-François Roseau, la courte biographie de Stefan Zweig consacrée à Rimbaud marque la grande source de fascination que fut pour lui le poète. Il décrira plus tard le personnage et son parcours comme l'histoire de vie la plus « grandiose et la plus émouvante » des temps modernes. Éclairant d'un jour nouveau les facettes de cet homme resté mystérieux, Roseau revient sur le voyage peu connu de Rimbaud à Vienne en 1876, et analyse ce qui le lie à Zweig.