Étrange destinée que celle de ce petit bourg chargé d'histoire mais oublié durant des siècles qui devient le coeur d'un État-nation moderne. Ici plus qu'ailleurs, le choix d'une capitale est un acte décisif, puisqu'il s'agit de rompre avec la longue occupation ottomane ; le renouveau et la création de ses monuments, de son plan urbain, de ses axes et de ses perspectives en expriment les ambitions, au croisement du politique, de l'idéologie et de l'esthétique.
Au lendemain de l'indépendance grecque en 1830, Athènes fut importée sur les lieux mêmes de sa naissance : elle était là et il fallut l'inventer. La cité antique en ruine et enfouie, élevée au titre de ville-centre du nouvel État par les Bavarois et sous l'égide d'une Europe animée par de formidables circulations d'idées, d'arts et de sciences connaît alors l'aube de sa renaissance et de son entrée dans la modernité.
Confiée à des architectes et ingénieurs français, allemands et grecs formés à Paris, Munich et Berlin, dont l'inspiration puise aux oeuvres des grandes figures du classicisme - dont Durand ou Schinkel -, Athènes s'offre à partir de 1833 comme un terrain d'expériences qui incarnera, in fine, l'essence de la capitale moderne et où s'exaltera à travers l'urbanisme un mouvement qui deviendra mondial : le néoclassicisme.
Riche d'un large corpus iconographique hérité des principaux artisans de ce nouveau lieu de pouvoir - dont Leo von Klenze, Eduard Schaubert et Stamatios Kleanthis -, cet ouvrage retrace bien plus qu'une épopée urbaine ; y apparaît, en filigrane, le portrait vivant d'un continent irrigué d'échanges culturels et d'incertitudes géopolitiques qui trouva en l'exemplarité athénienne l'opportunité d'une « affaire artistique européenne ».