Lorsqu'il est arrivé en 1982 à la tête du Cameroun, pays riche en ressources naturelles et humaines, Paul Biya représentait pour ses concitoyens l'espoir d'une ère nouvelle, après 22 ans d'un régime extrêmement autoritaire. Le jeune président parlait de « Renouveau », promettait la démocratie et la moralisation de l'économie, gangrenée par la corruption.
Près de 30 ans plus tard, Paul Biya, 78 ans, occupe toujours le fauteuil présidentiel. Au moyen de campagnes de presse internationales, son gouvernement vante régulièrement la stabilité politique du Cameroun : contrairement à la plupart des États qui l'entourent, il n'a pas connu de coup de force au cours des dernières décennies.
Mais de nombreux indices contredisent cette idée d'un pays sans histoires. Les plus flagrants sont ceux de 2008 : des centaines de jeunes ont manifesté pendant plusieurs jours contre la vie chère et un projet de modification de la Constitution donnant la possibilité à Paul Biya de briguer un nouveau mandat fin 2011. Cette situation quasi-insurrectionnelle a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes, tuées par les forces de sécurité. Malgré ces évènements, la révision constitutionnelle a été adoptée, montrant un président crispé sur son pouvoir.
Pourquoi les espoirs de 1982 ont-ils peu à peu laissé place au profond désarroi exprimé en 2008 ? Comment le pays est-il devenu l'un des plus corrompus du monde ? A quoi tient la longévité politique de Paul Biya ? A partir de faits et de témoignages, cette enquête décrit le cheminement du Cameroun sous sa présidence. Elle analyse le fonctionnement de son régime et les ressorts de sa durée, parmi lesquels figurent la manipulation des identités ethniques et le soutien de la France. Elle présente l'état de délabrement inquiétant de la société camerounaise après 30 années de « Renouveau » et tente de dresser des perspectives.