Voilà un geste que nous avons tous fait : nous nous apprêtons à prendre une photographie d'un paysage, mais il y a un pylône. Qu'importe, nous cadrons de façon à ce que ce détail gênant n'apparaisse pas sur l'image.
Le véritable panorama qui nous entoure - avec ses routes, ses lotissements, ses traces multiples de la civilisation industrielle -, nous refusons de le voir.
La littérature écologique, qui chante les grands espaces et la rencontre avec les animaux sauvages, contribue largement à nous maintenir dans l'illusion que nous vivons au coeur d'une nature vierge. Mais ce monde-là n'existe plus, ou seulement dans des zones circonscrites par l'humain, les réserves naturelles. Bien des paysages de notre enfance n'existent déjà plus.
Cet essai ose affronter les questions qui dérangent, et qu'il n'est plus possible d'esquiver : à l'heure du réchauffement climatique et de l'Anthropocène, quels liens sensoriels et émotionnels pouvons-nous tisser avec notre environnement ? Quel type de plaisir et d'émerveillement pouvons-nous encore y trouver ? Pourra-t-on ressusciter les paysages disparus ?
En nous faisant voyager de la mer Baltique au lac Titicaca, en passant par les collines de Bourgogne, Taïwan ou la passe de Tiputa, ce livre nous ouvre les yeux sur la nature abîmée. Une lucidité d'autant plus urgente qu'elle ne conduit ni à l'apathie, ni à la tristesse, mais à l'engagement.