Il m'a embarquée comme on transporte un sac de patates sur l'épaule. Les enfants ont rigolé. De l'autre main, il a pris mon sac.
L'homme : Il ne faut pas rester là.
J'ai pensé : « Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas regarder la misère droit dans les yeux ? Bien en face ? »
L'homme : Je vais te conduire à Antsirabe ! Chez mon père. Tu seras en sécurité là-bas. Je t'embarque. Ça va aller.
Il m'a déposée devant sa voiture. Je suis restée de marbre.
L'homme : C'est à quatre heures de route. Avec les embouteillages de la ville, le temps sera doublé. Il fera nuit là-bas. Tu montes ?
J'entendais les mots dans ma tête : Enlevée. Morcelée. Découpée. La porte ouverte de sa voiture, une entrée. Une sortie. Ma vie dépendait peut-être de cet homme. Je suis montée.
Petite, j'étais fascinée par cette photo de toi. Tu y es jeune. Devant une maison, tu poses avec une autre jeune femme. Une photo que j'emportais partout avec moi. En secret, elle me donnait la force de combattre les monstres et les fantômes.
A l'arrière de cette image, ton écriture si belle : « Juillet 1943 ». Tu as vingt ans. Vingt ans, c'est la guerre pour toi. Vingt ans, c'est l'âge de ma mère quand elle accouche de moi. Vingt ans, c'est mon entrée au conservatoire. Vingt ans. je cours les rues et je tombe amoureuse un milliard de fois.
Au coeur de l'Homme
- Elle n'était jamais partie plus loin que l'Europe. Parce que ses peurs étaient trop grandes, trop obsédantes, trop entrenues par tous ceux qui se veulent de bon conseil mais qui ne sont jamais partis : multiplier les vaccins, prendre des assurances, se méfier de tout et surtout de tous.
Elle se décide pourtant. Par défi, par désoeuvrement, par rejet de ce qu'elle a vécu jusqu'ici. Plutôt que de se pendre en toute discrétion, autant provoquer le destin en affrontant l'inconnu. Ce sera Madagascar, sur un coup de tête au hasard d'une rencontre...
Quelque part dans l'oubli
- Le jour où elle apprend que ça grand-mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle ressent le besoin profond de renouer avec elle. Cette rencontre avec la vieille « qui perd la boule », dans un hôpital puis en « maison de repos », constituera pour elle une replongée, à la fois douloureuse et salutaire, dans l'histoire familiale. Mais ce sera aussi une occasion d'appréhender la maladie sous son aspect ludique en contraste avec le sort que notre société réserve à ses aînés.