Au-delà de la métaphysique
La philosophie peut-elle aller au-delà de la métaphysique ? La dépasser, la doubler et la laisser derrière elle, parce qu'elle en saurait plus et mieux ? Wittgenstein, Heidegger, Spengler, Carnap, ces quatre penseurs phares du XXe siècle, si différents par la méthode, l'orientation et les concepts, se rejoignent sur un point : l'ambition de dépasser la métaphysique. Leur but est d'instruire la philosophie sur elle-même. Car au XXe siècle, « métaphysique » n'est plus le nom d'un champ de la philosophie, mais de la philosophie aveugle à elle-même, de la philosophie en tant qu'elle
se croit autre chose qu'elle n'est.
Ainsi les philosophes du XXe siècle travaillent-ils à réviser la philosophie même, ce à quoi ils parviennent, mais d'une façon aussi logiquement exacte qu'inattendue. Car en décrivant cette métaphysique qu'ils voulaient doubler, ils n'ont jamais fait que la dédoubler. La philosophie est, au même titre que la métaphysique, une force à double fond, qui fonctionne sur la base d'un détournement. Ainsi le dépassement de la métaphysique déborde-t-il ses limites, emportant dans son souffle les critiques de la métaphysique. Mais la partie n'est pas forcément perdue, si l'on admet que c'est dans le double jeu que la philosophie acquiert sa réalité.