« Peut-être l'idée de vivre avec des hobos m'était-elle apparue comme un moyen d'échapper aux limites des us et coutumes de ma propre classe sociale, de prendre du recul sur moi-même. Peut-être était-ce le défi de voir si ma personne délicate et biberonnée à la fac pouvait s'en sortir dans leur dure réalité : leur monde était-il, comme le suggérait un sociologue, 'un monde d'étrangers qui sont amis' ? Existait-il une fraternité du rail ? »
1980. Ted Conover est un jeune étudiant en anthropologie de vingt-deux ans lorsqu'il se décide à partager la vie des hobos, ces sans-domicile itinérants américains. En leur compagnie, il avale des milliers de kilomètres de rail dans des trains de fret, avec pour seul bagage un sac de surplus de l'armée en bandoulière lesté d'un bidon d'eau. Fuyant une vie de confort, il va ainsi parcourir les États-Unis quatre mois durant, « brûler le dur » et multiplier les rencontres inoubliables avec ces compagnons de la marge. Vivre avec eux, partager les casse-croûte, les bagarres, les galères et les coups de gueule, et apprendre à se cacher des « bouledogues », ces flics postés à chaque intersection pour expulser les « trimards ».
Avec une humanité profonde qui fait la peau aux clichés, Ted Conover nous entraîne sur la route. Il nous livre un document historique sur un monde aujourd'hui révolu, mettant des mots sur ces visages qui peuplent l'asphalte, sur la violence, la philosophie et l'esprit de l'errance.
À mi-chemin entre Into the Wild de Jon Krakauer et Sur la route de Jack Kerouac, Au fil du rail, reportage culte, est un modèle de journalisme infiltré.