Dans la mémoire des Français, la Première Guerre mondiale et ses images sanglantes restent comme l'incarnation du mal absolu. Mais la guerre de 1914 ne se limite pas à cette horreur, aux poilus pris dans les tranchées boueuses, aux ambulancières héroïque et aux enfants mutilés. Elle a emporté tout un peuple à se mobiliser au nom de la patrie, et en particulier les intellectuels qui se sont emparés de la boucherie pour écrire des livres ou de la musique, peindre des toiles, sculpter, philosopher. Et cette guerre peut aussi se comprendre vue d'un " autre front ", celui de la vie de l'esprit, où intellectuels et artistes, mobilisés ou pas, se sont mis, pour la première fois avec cette intensité, au service d'une cause : la guerre, le plus souvent, mais parfois aussi, la paix en inventant la dissidence. Ce livre, en embrassant la Première Guerre mondiale dans une durée plus longue que celle qui lui réserve habituellement l'histoire politique et militaire, tente de contribuer à une nouvelle histoire culturelle d'un conflit que l'on ne peut décidément plus comprendre du seul point de vue des canons. Il mesure l'engagement des intellectuels à l'aune de leur avant-guerre et apprécie les premières blessures que le conflit laissa à l'âme du XXe siècle. Il prend enfin en charge les incohérences d'un temps qui vit le retour des conformismes esthétiques et des conservatismes politiques les plus décisives pour notre modernité. Pour le meilleur et pour le pire.