Au plaisir de dire
La première fois que j'ai entendu prononcer le mot linguistique, c'était au gymnase. Le prof avait écrit au tableau noir ces deux phrases :
La question était la suivante : ces deux phrases veulent-elles dire la même chose ? Non, pas tout à fait, comme vous l'aurez peut-être remarqué ! La distinction ne m'échappe pas et je réponds donc du tac au tac. Le prof me fait alors ce commentaire « tu devrais faire de la linguistique ». Je n'avais jamais entendu ce terme. À cette époque, le maître d'espagnol, mais également linguiste, a sûrement dû éclairer ma lanterne, mais je n'en ai aucun souvenir ! N'empêche, j'ai suivi son conseil, et je suis devenue linguiste.
Quand on me demande ce que je fais comme métier, et que je réponds « linguiste », les réactions sont souvent celles-ci : « ah vous parlez combien de langues ? » ou encore « ah ! Oh mais moi je parle très mal français ». Je me lance alors dans de laborieuses explications d'où il ressort I) qu'on peut être linguiste sans parler de nombreuses langues II) que les linguistes ne sont pas à la langue ce que les juges sont à la loi. Pour être parfaitement claire, la langue n'est pas une loi, et les linguistes n'ont donc pas à décider ce qui est légal (juste) de ce qui est illégal (faux). En général, la conversation tourne court à ce moment-là !
Depuis peu, je préfère dire que je suis « sociolinguiste ». Du coup, cela entraîne d'autres réactions. Du genre « Ah ? ça veut dire quoi ? », ou plus vache « Décidemment, le bestiaire académique ne cesse de s'enrichir ». Mais cela m'évite d'être cataloguée comme gendarme de la grammaire et de l'orthographe, et je précise que je m'intéresse aux gens qui parlent et non aux langues pour elles-mêmes.
Marinette Matthey