"Aurore" compte 575 aphorismes répartis en cinq livres sur «la morale considérée comme préjugé». Bien que ce livre marque le début de sa campagne contre la «moraline» – commencée avec "Humain, trop humain" et poursuivie avec "Par-delà bien et mal" et "Généalogie de la morale" – on n’y rencontre aucune attaque, aucune négation, aucune malignité. "Aurore" est au contraire plein du pressentiment d’une «transmutation de toutes les valeurs» qui enseignera aux hommes à dire «Oui à la vie» en se débarassant du mensonge du moralisme. Bien que méfiant envers les imposteurs moraux, Nietzsche n’entend cependant pas nier la moralité et ne nie pas que des hommes agissent pour des «raisons morales», mais il nie que l’hypothèse sur laquelle ils se fondent ait un fondement réel. L’idée de «l’innocence du devenir» s’impose au philosophe. Prônant la libération de la pensée, il exprime ici ce que peut avoir d’ennuyeux la culture si on la conçoit sans enthousiasme et en dehors de la vie. Nietzsche avertit d’ailleurs lui-même que son ouvrage n’est pas fait pour être lu du commencement à la fin. Il faut au contraire l’ouvrir souvent «puis regarder ailleurs et ne rien trouver d’habituel autour de soi».